Descartes

C’est en 1637, dans les Provinces Unies, que le livre « Le discours de la méthode » est publié – et il ne l’est pas avec les nom et prénom de l’auteur. Il est écrit en Français, et il s’oppose clairement à la « scolastique », doctrine, logique, et « méthode », imposée dans toutes les Universités, à partir des écrits aristotéliciens et chrétiens.

On peut dire de ce texte qu’il invite à une « logique » qui se situe à l’opposé de celle qui, actuellement, triomphe en France. Celle-ci prétend que, pour être soi-même, il faut se penser par une identité substantielle collective (l’être-français) dans une différenciation radicale avec les Autres, dont l’être et la valeur seraient, par comparaison, moindres. Pour Descartes, le « Je » qui pense, donc, il est, ne peut se penser dans une telle auto-attribution de valeur par pure et simple différenciation, mais doit la construire, l’élaborer par soi-même, s’il en a la force.

L’ouvrage « Ne pas… » propose de s’appuyer sur le texte de Descartes pour en reprendre une partie des termes et des intentions, en lui substituant un « palimpseste », à partir de notre Histoire et de notre expérience, actuelle.

Voyons ce que peut nous donner une adaptation du premier livre du célèbre texte cartésien. L’obsession, la prétention, du « bon sens » sont désormais les choses du monde les mieux, faussement, partagées, puisque médiatisées : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous ne se trompent pas ; car comment penser que Pascal Prout puisse avoir raison en même temps et sur le même sujet que Frédéric Lordon ? 

Mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, si elle est naturellement égale en tous les hommes, au commencement de leur vie et notamment de leur vie d’adulte, ne le reste pas puisque les usages qu’ils en font ou en annulent le sens ou la développent et l’augmentent ; et ainsi que la diversité de nos opinions vient de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, parce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car, oui, ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien, et c’est précisément ce à quoi nous n’assistons pas lorsque nous exposons notre ouïe et nos oreilles aux fureurs médiatisées des irascibles et des comédiens de la colère. Si moi, je n’ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun, si même j’ai souvent souhaité d’avoir la pensée aussi prompte, ou l’imagination aussi nette et distincte, ou la mémoire aussi ample, ou aussi présente, que quelques autres, je constate que, en France, il y a des prétentieux au maximum : ils ont tout vu, ils ont tout appris, ils ont tout compris, et ces Suffisants qui ne désirent pas plus de bon sens qu’ils croient en avoir paradent et pérorent quotidiennement, du haut de leur chaire. Mais je ne craindrai pas de dire que je pense avoir eu beaucoup d’heur, de m’être rencontré dès ma jeunesse en certains chemins, qui m’ont conduit à ne pas avoir certaines considérations et certaines maximes, et ce parce que, sans le savoir, et, désormais, en le sachant, j’ai appliqué une méthode, par laquelle il me semble que j’ai eu moyen de ne pas accumuler de fausses connaissances ou des connaissances réelles mais mal reliées en raison d’une mauvaise interprétation, et, inversement, d’augmenter par degrés ma connaissance, et de l’élever peu à peu au point où je me trouve désormais, auquel la médiocrité de mon esprit et la courte durée de ma vie lui pourront permettre d’atteindre. Car, en évitant de croire avoir des connaissances alors que je n’aurais tenu que des ombres, en évitant d’en tirer des principes et des conclusions, tout aussi viciés que ces pseudo-connaissances, j’en ai déjà recueilli de tels fruits, qu’encore qu’aux jugements que je fais de moi-même, je tâche toujours de pencher vers le côté de la défiance, plutôt que vers celui de la présomption ; et que, regardant d’un œil de pas-médiatisé, les diverses actions et entreprises de toutes les femmes et de tous les hommes, ce que, désormais, les médias nous exposent quotidiennement, que cela soit, partiellement, honnêtement, significativement, ou pas, il y en a tant qui me semblent vaines et inutiles ; et je ne laisse pas de recevoir une extrême satisfaction du progrès que je pense avoir déjà fait en la recherche de la vérité, et de concevoir de telles espérances pour l’avenir, que si, entre les occupations des hommes purement hommes, il y en a quelqu’une qui soit solidement bonne et importante, j’ose croire que c’est celle que j’ai choisie. Moi, je fais partie de celles et ceux qui savent combien nous sommes sujets à nous méprendre en ce qui nous touche, et combien aussi les jugements qui nous assaillent et nous assomment nous doivent être suspects, aussi lorsqu’ils sont sans trop de certitude en notre faveur. Mais je suis bien aise de faire voir, en ce discours, quels sont les chemins que j’ai suivis et que je n’ai pas suivis, d’y représenter la vie comme de la F rance en un tableau, afin que chacun en puisse juger, et qu’apprenant du bruit commun les opinions qu’on en aura, ce soit un nouveau moyen de s’instruire sur les chemins qui mènent quelque part et ceux qui mènent nulle part. Oui, mon dessein est 

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